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L'exoscopie, une technologie d'imagerie révolutionnaire

Dans les années 1970, Loïc Le Ribault développe une méthode révolutionnaire d'analyse des sables appelée l'exoscopie. Cette méthode permet de retracer l'histoire géologique et l'origine des sables en les examinant au microscope électronique à balayage (MEB).

À seulement 24 ans, il présente sa première communication à l'Académie des Sciences sur ce sujet, suivi de nombreuses autres.

Entre 1973 et 1981, Le Ribault travaille en tant que chercheur contractuel au laboratoire d'océanographie de l'Université d'Orsay. Il occupe ensuite le poste de chef du service de microscopie électronique au laboratoire central de Total, à Bordeaux, jusqu'en 1981. Dès 1975, il se fait reconnaître comme étant "le chercheur ayant découvert les plus importantes applications du microscope électronique en sédimentologie".

Aujourd'hui, l'exoscopie est utilisée dans le monde entier, tant en sédimentologie qu'en géologie minière, exploration pétrolière, archéologie, océanographie, travaux publics et criminalistique.

« Il suffit de contempler un simple grain de sable, et tu verras en lui toutes les merveilles de la Création. »

Paulo Coelho – L’Alchimiste, éditions Anne Carrière, 1995)

Balade sur un grain de sable

Ce qu'il faut savoir avant le voyage

Le micron

Le micron, également connu sous le nom de micromètre ou µm en abrégé, correspond à un millième de millimètre. Il s'agit d'une échelle bien différente des kilomètres parcourus par les automobilistes sur les autoroutes. Pour mieux comprendre, un kilomètre équivaut à un milliard de microns…

Dans cette rubrique, certaines photos présentent une barre d'échelle en µm, tandis que d'autres affichent uniquement le niveau de grossissement. Il est important de savoir qu'avec un grossissement de 1 000 fois, un centimètre sur la photo représentera 10 µm, tandis qu'avec un grossissement de 10 000 fois, un centimètre ne représentera qu'1 µm.

L'exoscopie des quartz

Le principe de l’exoscopie des quartz est simple : chaque environnement naturel laisse des traces de forme et de taille spécifiques sur les grains de quartz, provenant de différents facteurs d'origines physiques, chimiques, mécaniques et biologiques. Lorsque les grains changent de milieu, ces traces sont interprétées de manière spécifique en fonction des caractéristiques du nouvel environnement.

L’exoscopie repose sur l'identification et l'interprétation de 250 caractères de base, qui sont comme les lettres de l'alphabet. Ces caractères permettent non seulement de déterminer précisément le lieu de dépôt d'un grain de sable, mais aussi de retracer son histoire géologique et, dans certains cas, son origine géographique.

Au cours de notre voyage, nous ne verrons que quelques-uns des caractères les plus spectaculaires. Cependant, ils suffiront à vous montrer que, tout comme les êtres humains, il est mathématiquement impossible de trouver deux grains de sable identiques en tous points. Chaque grain porte une multitude d'informations spécifiques sur son origine et sur chaque étape de son existence.

La naissance du quartz

Au commencement de notre histoire, le quartz voit le jour. Ce cristal est composé de silice anhydre, c'est-à-dire qu'il ne contient pas d'eau, et est constitué d'un atome de silicium et de deux atomes d'oxygène.

Un cristal, quel que soit sa nature, se forme comme une maison, petit à petit. Les molécules qui le composent sont les briques qui s'agencent pour former la structure cristalline du cristal. Par exemple, le sel de cuisine, le chlorure de sodium, cristallise dans le système cubique, tandis que le quartz cristallise dans le système hexagonal.

Prenons l'exemple d'un quartz provenant d'un granite. Lorsque le magma, une masse visqueuse qui monte lentement des profondeurs de la terre, se refroidit progressivement, différents types de cristaux se forment, principalement des micas, des feldspaths et des quartz. Ces derniers, qui sont les derniers à cristalliser, doivent trouver de l'espace entre les autres cristaux déjà bien formés, ce qui affecte leur forme : ils sont informes, tordus et contraints de se mouler entre les cristaux qui ont cristallisé plus rapidement. On les appelle des cristaux xénomorphes.

En revanche, dans une roche volcanique, la lave monte rapidement depuis les profondeurs de la terre sous forme d'une masse visqueuse et chaude, puis se solidifie en refroidissant en surface. Cette fois, les quartz ont l'opportunité de cristalliser en premier : n'ayant aucune contrainte spatiale dans le magma qui se refroidit, ils peuvent prendre de magnifiques formes cristallines, comme les quartz bipyramidés. On les appelle des cristaux automorphes, car ils présentent une apparence géométrique parfaite.

Dans ce cas, les cristaux de quartz doivent se conformer aux autres cristaux en occupant l'espace qui leur est laissé.

À ce stade de leur existence, les nouveaux cristaux de quartz, qu'ils soient autoformes ou xénomorphes, sont protégés des agressions extérieures au sein de la roche qui les a engendrés, connue sous le nom de roche mère. Ils préservent encore tous les caractères qu'ils ont acquis à leur naissance : taille, forme, inclusions et apparence.

Cependant, même pour un quartz, toutes les bonnes choses ont une fin. En effet, à mesure que la roche mère atteint la surface, elle est soumise à des processus d'altération de plus en plus agressifs.

L'altération de la roche mère

Peu à peu, les eaux de pluie, la rosée, le gel et divers agents agressifs tels que les acides produits par les lichens, les plantes et les bactéries, vont altérer de plus en plus profondément la roche mère. Les eaux riches en agents agresseurs circulent depuis la surface à travers la roche mère.
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lichens

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Bactéries

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Dans un premier temps, les fluides qui circulent dans les pores sont fortement sous-saturés en silice dissoute. Ils vont alors corroder les cristaux de quartz présents. Ces attaques chimiques laissent des marques durables sur la surface des cristaux : on peut observer des triangles en creux, qui témoignent de l'ordonnancement parfait de la structure cristalline du quartz. Ces triangles en creux sont en réalité les vestiges de molécules de silice qui ont été dissoutes par la corrosion. Ces figures de dissolution sont illustrées dans les exemples ci-dessous.
Figure de dissolution Loic Le Ribault
Ensuite, au fur et à mesure que les liquides corrosifs s'écoulent et pénètrent en profondeur dans la roche, ils se chargent en silice qu'ils dissolvent de plus en plus abondamment, jusqu'à en devenir saturés. En conséquence, ils libèrent cette silice sous forme de dépôts de silice amorphe, prenant la forme de globules, de pellicules écailleuses ou de superbes fleurs de silice.
Fleurs de Silice Loic Le Ribault

Les premiers pas 

Sous l'effet des attaques chimiques, la roche mère perd sa cohésion et se désintègre progressivement, libérant ainsi une partie de ses minéraux sous forme de grains de sable. Cette accumulation de grains constitue ce qu'on appelle une arène. Par exemple, dans le cas d'un granite, l'arène est un mélange de cristaux de feldspath, de quartz et de mica. Les conditions météorologiques, telles que la pluie, le gel et la dissolution, entraînent la disparition des éléments les plus fragiles et solubles, laissant seulement les cristaux résistants, en particulier le quartz.

L'épaisseur de l'arène peut être considérable, donnant ainsi naissance à un sol plus ou moins épais. À ce stade, les grains de sable n'ont pas encore été transportés et sont totalement immobiles. Leurs seuls mouvements éventuels sont dus à l'activité de la faune du sol, tels que les vers de terre et les fourmis.

Ensuite, avec les précipitations, l'arène ou le sol sont emportés, libérant ainsi les grains de quartz qui finissent par atteindre un cours d'eau. C'est là qu'ils commencent leur véritable existence en tant que grains de sable.

La glace

Dans les régions où le climat est froid, les grains sont souvent soumis à l'action des glaciers. Lorsqu'ils sont fortement comprimés les uns contre les autres, des figures de broyage se forment, qui présentent une morphologie distinctive. Ces figures révèlent une pression exercée avec un mouvement circulaire.

Trace broyage et dissolution loic le ribault

Le repos du sable

Il arrive parfois que les quartz fassent des arrêts au cours de leur voyage. Cela se produit notamment lorsqu'ils se déposent dans des environnements de faible énergie, tels que les marécages.

Dans ces endroits, des conditions physico-chimiques et organiques très particulières sont présentes. Cela entraîne l'apparition de microcristaux variés sur les grains de quartz, tandis que des particules d'argile se collent à leur surface.

Lorsque ces arrêts se prolongent - parfois pendant des millions d'années - il peut y avoir une régénération complète des grains. En effet, à l'intérieur de la couche de sable immobilisée, circulent des fluides riches en silice dissoute. Lorsque cette silice précipite, de minuscules cristaux de quartz se forment sur les grains. Au fil du temps, ces microcristaux se développent jusqu'à recouvrir complètement le support ; les grains de sable se retrouvent alors cimentés les uns aux autres. Ce processus entraîne la formation de grès, que l'on peut trouver en surface, comme les grès de Fontainebleau ou en profondeur, comme les grès diagenétiques, qui peuvent être des réservoirs de pétrole.

Quand ces roches subissent une altération, due à des changements climatiques ou à l'érosion, le grès se désagrège, libérant ainsi des grains entièrement régénérés. Les nouvelles pousses de cristaux masqueront les anciennes cicatrices.

Ces grains, sans mémoire, qui semblent vierges de toute vie antérieure, repartiront alors pour de nouvelles aventures éternelles.

L'homme de Tautavel

L'étude des sables de la Caune de l'Arago est un exemple remarquable de l'utilisation de l'exoscopie. Le charmant village de Tautavel est réputé pour ses délicieux vins muscat, mais il abrite également une grotte (la Caune de l'Arago) qui a été mentionnée pour la première fois par le naturaliste Marcel de Serres en 1838, puis redécouverte en 1948 par Jean Abelanetj, qui y a observé des vestiges d'industries préhistoriques. Entre 1948 et 1962, des passionnés locaux ont entrepris des recherches, et à partir de 1964, Henry de Lumley a organisé chaque été des fouilles archéologiques.

Le premier crâne humain a été découvert le 22 juillet 1971. Il appartenait à un Homo erectus vieux d'environ 450 000 ans. Par la suite, plusieurs autres crânes et de nombreux ossements ont été mis au jour. Afin de déterminer l'environnement dans lequel évoluait l'Homme de Tautavel, toutes les méthodes scientifiques ont été utilisées, y compris l'exoscopie.

Les grains de sable de la Caune de l'Arago conservent des traces de leur altération initiale, suivie d'un long transport par un cours d'eau, puis d'une exposition à l'air libre dans un climat aride. Les sables ont ensuite été remaniés par un fleuve qui les a finalement abandonnés. Les alluvions se sont ensuite trouvées soumises à d'importants processus de formation des sols, avant d'être à nouveau déplacées par de violentes rafales de vent et d'être déposées à l'entrée de la grotte, dans laquelle certains éléments ont pu pénétrer grâce aux ruissellements.

Dans l'ensemble, l'étude des sables de la Caune de l'Arago grâce à l'exoscopie permet de retracer l'évolution de l'environnement dans lequel l'Homme de Tautavel vivait il y a des milliers d'années.

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